Blog du Master Interprétariat français/LSF

« Notre profession vivra un chamboulement sans précèdent »


Formé au métier en 2004 lors de la toute première promotion de l'Université de Lille, Christophe Ricono a longtemps exercé comme interprète. Fort de cette expérience, il assure la direction financière d’un Groupe qui fait la part belle à la visio-interprétation. Il nous évoque son parcours et décrit le lien entre le métier d'interprète et les nouvelles technologies.

Peux-tu brièvement nous décrire ton parcours avant le Master ?

Après des études en Ecole de Commerce, j’ai occupé différents postes en tant que Directeur Administratif et Financier (DAF) durant une dizaine d’années. Ma dernière expérience de DAF était pour une filiale de 9 TELECOM appartenant au Groupe Télécom Italia.  J'ai choisi la formation de Lille car la richesse du programme, et notamment l’approche linguistique de la LSF ainsi que la durée plus longue des stages pratiques, m’ont séduit dès le départ !

Qu'est-ce qui t'a plu dans cette formation ?

J’ai apprécié la prise de recul sur le fonctionnement linguistique de la LSF, l’accompagnement des formateurs-interprètes pour les stages et le fait d’apprendre dans un climat serein au sein d’une promotion de cinq personnes. Quant à la vie lilloise, je m'y suis très facilement habitué. L'hospitalité des Ch'tis est loin d'être une légende !

 

Peux-tu nous faire part d'un souvenir marquant lors de la formation ?

En compagnie d’un médiateur culturel et de notre enseignant de LSF, nous (les étudiants interprètes) avons plongé dans les entrailles d’une mine de charbon. Dans la pénombre de ce lieu chargé d’histoire, nous avons « tenté », à l’aide d’une lampe portative, d’interpréter la vie et les conditions de travail au fond de la mine dans les années 1700. Ce fut un réel défi pédagogique mais surtout une vraie leçon d’humilité vis-à-vis du courage des mineurs de l’époque.

Que fais-tu depuis le diplôme ?

J’ai travaillé plus de dix ans dans différentes services d’interprètes : à Saint-Brieuc, Grenoble, Paris, Toulouse et Lyon...avant de cocréer en 2011 la société d'interprétation EX AEQUO à Lyon et en 2013 un réseau national d’agences d’interprétation : TRAIT D’UNION.

Depuis 2016, je n’exerce plus en tant qu’interprète. J’exerce au sein du Groupe IVèS permet aux personnes sourdes et entendantes, via ELIOZ notamment, de se téléphoner partout dans le monde en 24/7.

J’ai la chance de pouvoir poursuivre mon activité dans un environnement captivant au cœur de la communauté Sourde.

La visio-interprétation prend une place de plus en plus importante dans le quotidien des interprètes. Est-ce selon toi un nouveau type d'interprétation ?

En France, la visio-interprétation n’est pas une nouveauté, elle est pratiquée déjà depuis 2006 ! En revanche, nous avons tous d’ores-et-déjà constaté les effets de la digitalisation et/ou de l’« uberisation ». Dans les cinq prochaines années, le phénomène s’accentuera. Notre profession vivra, à son tour, un chamboulement sans précèdent, il n’y a aucun doute à avoir ! Tout le monde peut déjà observer les prémisses d’une nouvel ère. D’ici 2025, on peut aisément imaginer qu’un interprète exercera davantage derrière un écran que sur le terrain, alors préparons-nous !

Es-tu investi dans la promotion du métier d'interprète ?

J’ai été un membre actif au sein de l’AFILS en étant notamment Trésorier plusieurs années et ayant coorganisé les Universités d’Automne en 2006 et 2010. À ce jour, je défends, tel un petit colibri, le métier dès que j’en ai l’occasion.

 

Ton métier a-t-il évolué en quinze ans ?

 

J’ai le sentiment que le lien humain entre « interprète » et le « client » se limite à une prestation. Où est devenu le savoir-être ? Un acte d’interprétation est selon moi réussi, si et seulement s’il est coconstruit avec les personnes impliquées en situation. Ainsi, l’humilité, le respect et la confiance mutuelle apporteront toutes ses vertus au service d’une prestation.

Un acte d’interprétation est réussi s’il est coconstruit