Blog du Master Interprétariat français/LSF
Parcours ambitieux d'une restauratrice d'oeuvres d'art
par Léa Hoogland et Audrey Martin
Cette année la classe de première année de master interprétariat français/langue des signes a mis en place plusieurs conférences autour de la culture Sourde. Quatre intervenants auront ainsi pu partager leurs parcours et expériences afin de casser les codes et démontrer que oui, tout est possible tant qu’on s’en donne les moyens. L’adage est bien retranscrit par la dernière intervenante, celle à laquelle nous allons nous intéresser dans cet article ; Julie Abbou. Un parcours, une histoire et avant tout une leçon de vie sur la détermination et le refus de reculer devant les nombreuses barrières auxquelles elle aura pu faire face tout au long de sa scolarité et en dehors.
Une ambition...
Julie nait de deux parents Sourds, la surdité étant héréditaire dans sa famille elle en est la troisième génération. Sa mère et son père, eux-mêmes piliers de la communauté Sourde en France depuis la fin des année soixante-dix, occupent des postes déjà importants. C’est donc dans un contexte déjà très engagé que Julie grandira. Elle fera ses études et ira jusqu’au Baccalauréat avant d’intégrer une licence DNAP (diplôme nationale des arts plastiques) avec spécialité sculpture. C’est lors de la troisième année de cette licence que Julie, qui jusque-là se cherchait encore, entamera un stage qui lancera le cours de sa carrière et de ses ambitions. Recrutée chez Sybille De Monneron, artiste et restauratrice d’art, on lui confiera la tache de restaurer une œuvre.
Son parcours professionnel fût représentatif de la difficulté qu’ont les Sourds à faire des études.
Passant par les étapes d’analyse, de connaissance et d’apprentissage de l’œuvre dont elle devait s’occuper. Ce fut le déclic, le coup de foudre pour cette activité, ce métier que Julie découvrit. Et qui l’anima directement lui donnant envie de poursuivre sa carrière immédiatement dans cette branche. C’est dans ce contexte que commence le parcours de Julie Abbou. Son parcours professionnel fut représentatif de la difficulté qu’ont les Sourds à faire des études. En effet, les Sourds n’ont aucune accessibilité d’acquise, ils doivent faire des pieds et des mains pour obtenir un interprète qui ne pourra même pas intervenir sur toutes les heures de cours car il ne sera pas complétement financé.
Une formation semée d'embûches
Passons les recherches sur le métier, les écoles et formations. Rapidement, elle se rend compte que seulement quatre écoles sur le territoire français proposent la formation avec une certification pour les musées. Ni une ni deux, Julie ira toquer à la porte de l’INP. Le premier accueil sera difficile, décourageant et Julie se rendra compte des difficultés d’intégration auxquelles elle devra faire face mais aussi les réactions de son entourage, qui la feront douter de ses propres capacités. La surdité est-elle vraiment un frein à l’ambition et aux rêves? Julie ne se laissera pas démonter et quand une porte se fermera, elle trouvera une fenêtre par laquelle entrer. Ça passera par des écoles privées, des emprunts et une logistique complexe tournant autour de la surdité et de l’interprétation des cours pendant deux ans. Beaucoup d’énergie, de hauts, de bas.
Un premier sentiment d’accomplissement : intégrer le cursus dont elle rêvait.
Elle devra compter sur ses camarades. Mais finalement au bout de ses deux premières années déjà, sortira major de sa promo. L’incompréhension cependant lui fera avoir de nouvelles embûches: la banque ne voudra plus prêter. Ses camarades seront moins compréhensifs en voyant les "trop bons" résultats de la jeune femme. Mais encore une fois, si la vie la met à l’épreuve, Julie ne baissera pas les bras. Elle retentera le concours d’admission de l’INP et cette fois, sera accueillie et même encouragée. Le concours n’aura pas été de tout repos. La compétition était rude et le niveau requis élevé. Mais une fois encore avec passion et détermination, elle réussira et pourra, enfin, avoir ce premier sentiment d’accomplissement : intégrer le cursus dont elle rêvait. Ce fut cinq années d’études des plus passionnantes mais également épanouissantes avec une école à l’écoute des besoins de Julie. Le travail fut rude et le chemin parsemé de difficultés. Mais avec force et volonté Julie fera en sorte de pouvoir être diplômée, sortant une fois encore major de sa promotion.
Une carrière florissante
Un travail acharné dont la jeune femme pouvait être fière et ce fut le cas. Puis, quand elle sortit diplômée, ce fut le choc. Un choc auquel bon nombre de « jeunes » font face. Le « Et après ? » et « maintenant » ? C’est un courriel reçu dans la plus grande ses surprises qui marqua également la réussite de Julie. Une proposition d’embauche au C2RMF (centre de recherche et de restauration des musées de France), basée uniquement sur l’expertise et les connaissances de Julie qui lanceront sa carrière.
A travers le parcours de Julie, on voit qu'aucune porte n’est close.
Une carrière florissante et pleine d’opportunités qui, en plus d’offrir à Julie l’accomplissement de son parcours, lui donneront l’opportunité de rebondir pour aider sa propre communauté, à gagner en visibilité et ouvrir le chemin des possibles. A travers le parcours de Julie et le chemin qu’elle aura parcouru, on peut voir que finalement aucune porte n’est close. Loin des stigmatisations, Julie par son énergie et sa positivité sera la première femme Sourde conservatrice d’œuvres d’art. Elle travaille même à l’international, accompagnée régulièrement de deux interprètes avec qui elle aura beaucoup travaillé sur le vocabulaire de sa spécialité. Entourée d’une équipe sur son lieu de travail prête à la concession pour que finalement les deux cultures trouvent leur entente à mi-chemin, dans le respect. Laissant la porte ouverte à d’autres histoires pour ceux qui, comme Julie, ne laisseront pas la négativité réfuter leurs ambitions.