Blog du Master Interprétariat français/LSF

Portrait de Lucas Wild, jeune Sourd militant

par Marine Gibilaro et Perrine Dupas (2022)

Traditionnellement, la promotion M1 interprétariat français/langue des signes organise plusieurs conférences autour de la culture Sourde. Cette année, les conférences étaient axées sur la nouvelle génération de sourds qui a pris la parole pour montrer comment le combat autour de l’accessibilité et de la sensibilisation de la communauté sourde se poursuit. En s’emparant des réseaux sociaux qui offrent une visibilité plus immédiate et qui se diffuse à vitesse grand V, la relève semble bien assurée. Que ce soit dans le domaine des sciences dures, par la réalisation de portraits de la communauté sourde, ou par le biais de l’art, chacun est venu à tour de rôle présenter comment les réseaux sociaux sont devenus une aide précieuse pour continuer de démocratiser et vulgariser la LSF et la culture Sourde. Ce dernier cycle de conférence s’est achevé par la participation de Lucas Wild : fondateur du Collectif « Mains Paillettes » qui sensibilise et accompagne les personnes sourdes de la communauté LGBT Queer +. Cet article fera état de son parcours et de son implication active et militante au sein des deux communautés qui font sa double identité...

Un travail sur les clichés que l’on a des sourds

Lucas est né Sourd au sein d’une famille entendante dans un petit village d’Alsace. Adolescent il décide de créer un Tumblr « JE SUIS SOURD de Lucas Wild » pour relater de façon humoristique ce que c’est qu’être sourd. Précurseur sur son époque, il tente de faire tomber les clichés que l’on a sur les sourds. A l’aide de GIF issus de séries comiques, de films connus ou encore de personnalités loufoques, il représente au travers de l’humour ce qu’il ressent dans certaines situations de la vie quotidienne.

Ce qui se veut banal ou anodin pour une personne qui entend, n’est pas le quotidien d’une personne sourde. C’est au travers de cette pointe d’humour que la sensibilisation a commencée pour Lucas.

Il représente au travers de l’humour ce qu’il ressent dans certaines situations de la vie quotidienne.

Davantage de visibilité grace à la médiatisation

A l'issue de la publication de ces articles de blog, le journal Libération a décidé de faire la lumière sur cette personnalité sourde. Cet article fut un véritable tremplin pour Lucas. Le nombre de visites sur son blog ainsi que sur sa chaîne YouTube augmenta considérablement. S’enchaîne alors, une belle ascension ! Il est repéré par le réalisateur de la série SKAM France et endosse le rôle de Camille, un jeune homme gay et Sourd. Cela sera sa grande première devant le petit écran! La sensibilisation se poursuit au travers de la série qui aborde notamment des questions en lien avec la surdité, telles que les implants cochléaires, l’approche de la Langue des Signes, la vie associative, l’acceptation de la surdité, etc. Depuis sa parution dans la série, sa visibilité sur les réseaux sociaux est en plein essor.

Paris, la ville identitaire 

Sensibiliser la communauté entendante à la surdité n’est pas le seul combat que ce jeune Alsacien mène. Habitant sur Paris depuis quelques années, la ville des lumières lui permet de trouver sa propre identité.

A la capitale, il participe à de nombreux évènements, et manifestations en lien avec son identité plurielle. Il poursuit en même temps que son militantisme, des études de mode. A l’image de ce qu’il est, il lance une collection de vêtement identitaires sourds et gay.

Je ne peux pas choisir. J’ai les deux communautés, sourde et gay, ensemble au même niveau.

 

Une façon de poursuivre le militantisme 

Avoir sa chaîne YouTube ne suffit pas. Tout comme ses aînés, Bruno Moncelle, Claire Garguier, Emmanuelle Laborit, il souhaite à son tour être un modèle pour que les jeunes sourds puissent s’identifier et ne pas avoir peur dans l’acceptation de leur surdité. Il aspire à une véritable inclusion. Les réseaux sociaux foisonnent d’images, d’arts, de personnalités qui s’assument et revendiquent leur identité. Inspirés par d’autres modèles venant du grand continent, tel que Nyle Dimarco, Chella Man, et Christine Sun Kim, Lucas affine son identité et sa personnalité et crée en 2020 le collectif « Mains Paillettes ».

Tout comme ses aînés, Bruno Moncelle, Claire Garguier, Emmanuelle Laborit, il souhaite à son tour être un modèle pour que les jeunes sourds puissent s’identifier.

Rendre visible les personnes sourdes Queers 

Né d’une envie de rendre accessible les manifestations Queer, le collectif voit le jour grâce à Eve Caristan (interprète) et Lucas Wild. Au commencement l’équipe tournait à 8 bénévoles qui œuvraient pour l’accessibilité des personnes sourdes LGBT Queer +. Les objectifs étaient les suivants : rendre accessible les manifestations ou conférences, proposer un accompagnement en LSF pour les personnes sourdes transgenres dans leurs parcours, traduire les vidéos de sensibilisation afin que sourds et entendants puissent y avoir accès et sensibiliser à la diversité de la communauté Queer : de la non-binarité à la transidentité !

 Merci le confinement 

Le collectif « Mains paillettes » est actif sur Instagram et prend de l’ampleur pendant le confinement. Notamment grâce à la personnalité Barbara Butch qui, grâce à ces Lives quotidiens, a permis au collectif d’augmenter sa visibilité et ainsi de pouvoir diffuser ses contenus à plus grande échelle. Au-delà des réseaux sociaux, où photos et vidéos de sensibilisation foisonnent, on peut retrouver certains membres du collectif dans un épisode de « L’œil et la Main » ou encore, dans la série documentaire « Océan ». Un militantisme actif, qui va également au-delà de la toile et des écrans en participant à des évènements, tel que la JMS (Journée Mondiale des Sourds) ou au festival de musique Solidays (association Solidarité Sida).

Une nouvelle génération de militants

Ce qui au départ n’était qu’une simple activité pour faire tomber quelques clichés d’entendants sur la communauté sourde, s’est révélé être bien plus qu’un passe-temps. La nécessité de faire bouger les regards des uns sur les autres, semble être le fer de lance de Lucas Wild. Tout comme ses prédécesseurs, il œuvre pour un monde où le vivre ensemble est possible, où le combat pour l’accessibilité est une lutte qui ne doit jamais cesser.

Une nouvelle génération qui, en plus de s’emparer de pancartes, utilise les réseaux sociaux pour sensibiliser et militer à grande échelle.