Blog du Master Interprétariat français/LSF

La culture sportive chez les Sourds

par les étudiantes de M1

Lors du cycle de conférences organisé par les M1 en 2021 sur le thème des "Sourds au parcours insolites", les étudiantes ont souhaité inviter Marie-Paule Miller pour parler de son parcours sportif et de la culture sportive chez les Sourds. Voici l'article qu'elles ont écrit suite à la conférence

 

Saviez-vous qu’il existe des jeux olympiques organisés par et pour les Sourds ? Les Deaflympics ! Alternant les éditions d’été et d’hiver, ce rendez-vous international rassemble des Sourds venus des quatre coins du globe. Tous les deux ans, plusieurs centaines d’athlètes s’affrontent autour de diverses disciplines olympiques. Parmi eux, Marie-Paule Miller, médaillée d’or de l’épreuve d’heptathlon de 1993, nous a livré son témoignage lors d’une conférence tenue le 24 mars 2021. Cette intervention nous a beaucoup appris sur le sport Sourd. Entre “FSSF”, “CISS” et “FFH”, voyons de quoi il en retourne...

Le sport, cœur de la communauté Sourde

Un peu d’histoire s’impose... En 1899, en France, les Sourds vivent sous le poids de "l'interdiction" de la langue des signes. De plus, pour des raisons médicales, ils n’ont pas le droit de passer le permis. Le vélo est un moyen de déplacement qui leur confère une certaine autonomie. C’est donc naturellement que le sport, et tout particulièrement le cyclisme, devient un espace de liberté propice au rassemblement. Cette année-là, le jeune Eugène Rubens-Alcais crée le premier club cycliste des Sourds. S’ensuit un véritable effet boule de neige, partout en France, les sourds s’emparent d’une multitude de disciplines en créant des clubs sportifs : athlétisme, basket-ball, football, tennis, etc.

Dix-neuf ans plus tard, en 1918, Eugène participe à la création de la Fédération Sportive des Sourds Muets de France (FSSMF), qui deviendra la Fédération Sportive des Sourds de France (FSSF) a posteriori. L’objectif est de fédérer, de gérer et d’accompagner ces différents clubs éparpillés sur le territoire. Militant infatigable, il s’investit également à l’international et contribue à la création des premiers Jeux Internationaux Silencieux.

Le sport possède donc une place toute particulière dans la culture Sourde. Tout d’abord, il fut le vecteur de déplacements et de rencontres entre Sourds de divers horizons. Par ailleurs, il a également joué un rôle fédérateur. Il fut au cœur de la transmission de la langue des signes et des valeurs chères à la Communauté Sourde. Il a fait et fait encore partie intégrante de son patrimoine culturel.

Le sport possède une place toute particulière dans la culture Sourde.

 

Les Deaflympics

Comme évoqué plus haut, l’action d’Eugène Rubens-Alcais ne s'arrête pas à l’échelle nationale. En 1924, il participe à la création du Comité International des Sports Sourds (CISS). Ce comité recoupe plusieurs missions, telles qu’encourager et développer les pratiques sportives, mais aussi, organiser la compétition internationale des Deaflympics (été et hiver).

La première édition des jeux a lieu à Paris, regroupant neuf pays et cent quarante-huit athlètes (dont une seule femme). Puis, en 1949, les premiers jeux d’hiver voient le jour.
Ces événements sont réservés aux athlètes Sourds. Afin de participer les sportifs doivent pouvoir justifier d’une perte de capacité auditive d’au moins 55 décibels.

Aujourd’hui au niveau des compétitions olympiques internationales, il y a ainsi trois compétitions distinctes. Les jeux olympiques, les Deaflympics et les jeux paralympiques.

Le sport Sourd aujourd’hui

La Fédération Française Handisport (FFH) naît en 1954. Les objectifs de l’association sont clairs : regrouper des sportifs en situation de handicap (déficience visuelle, mentale, mobilité réduite, etc.) et promouvoir des activités physiques sportives en loisir ou en compétition. FFH et FSSF se dissocient clairement de par leur public. Or, en 2008, l'Assemblée Générale de la FSSF vote sa propre dissolution. Elle intègre alors le Handisport sous la forme d’un Comité : le Comité de coordination des sportifs sourds de France. La fin de la FSSF est attribuée à des restrictions financières et gouvernementales.

Cette intégration n’est pas au goût de tous. En effet, une partie de la communauté Sourde considère que le sport sourd, patrimoine culturel essentiel, devrait demeurer indépendant. Elle y voit une menace pour la prospérité de la langue des signes française et pour la construction de l’identité Sourde. Au sein de la FFH, le français domine. Certains insistent donc sur le manque d’accessibilité des pratiques du Handisport (arbitres non signants par exemple). De surcroît, la détention de la licence handisport est soumise à une limite d’âge : seize ans. Cela n’était pas le cas avec la FSSF. Une partie de la communauté Sourde reste donc frustrée par la situation actuelle. Cela déclenche une perte de motivation et des départs.

Néanmoins, certains Sourds préfèrent la FFH à la FSSF. En effet, les licenciés Sourds y disposent de cinq disciplines sportives qui leurs sont propres : football, bowling, pétanque, badminton et volley-ball. Sur le magazine “Le Mag’” (2017), l’ancien directeur du foot sourds à la FSSF devenu directeur sportif de la commission foot sourds à la FFH, Brice Allain déclare : « À l’époque, à la FSSF, nous avions un budget très maigre. [...] Quand nous avons intégré la FFH, pour moi, c’était plus professionnel, carré, au niveau du budget, cela n’avait rien à voir. [...] Ce fut une vraie chance. En 2008, nous étions 1 700 licenciés sourds pour le foot, là nous atteignons désormais les 2 300 licenciés environ. »